« Toute ma vie, je me suis sentie femme », confie Elena. En préambule son affirmation sonne comme un manifeste.
Elena est née « Rade » (prénom masculin), à Sarajevo, en 1951. Dès l’âge de quatre ans, sa mère l’habillait avec des jupes.
Adulte, Elena prend conscience de sa féminisation. « Je suis une femme dans un corps d’homme. »
Ce n’est qu’à l’âge de 65 ans qu’Elena découvre l’existence des personnes transgenres, via l’histoire du célèbre mannequin bosnien Andreja Pejić, premier top model transgenre à faire la couverture de Vogue US. Elena apprend également qu’il est possible de se faire opérer pour changer de sexe. « La Bosnie-Herzégovine manque cruellement d’informations sur les droits des personnes transgenres et nous sommes victimes de discrimination. »
En 2016, Elena décide donc d’entamer les démarches pour changer de sexe. Pour cela elle doit demander la citoyenneté serbe afin de pouvoir être opérée à Belgrade. Elle suit un traitement hormonal qui ne peut être administré qu’en Serbie, car il reste rare et très onéreux en Bosnie-Herzégovine.
Les opérations chirurgicales de changement de sexe ne sont pas pratiquées en Bosnie-Herzégovine – du reste, le personnel médical n’y est pas formé. Les personnes transgenres n’ont donc pas d’autre choix que que de se faire opérer à l’étranger.
« Je suis très pauvre. Je touche le minimum d’aide en Bosnie. Quand je suis allée en Serbie pour commencer ma transition, je dormais dans des parcs afin d’économiser de l’argent pour mon opération. »
Pour les personnes transgenres, la situation est très compliquée en Bosnie-Herzégovine. La discrimination à leur égard est certes interdite depuis 2009 et la loi permet, en principe, à celles qui ont changé de sexe de modifier leur état civil mais la réalité est tout autre.
L’identité transgenre figure encore sur la liste des maladies mentales, sous le nom de « dysphorie de genre ».
Être une personne transgenre l’empêche de vivre librement dans son pays. Elle a plusieurs fois été victime d’agressions. Ces attaques sont courantes. Elena pense que la religion y est pour beaucoup. Elle a également été menacé de mort : « Les paroles sont tellement blessantes à mon égard que je préfère me taire à ce sujet ».
Après sa transition, Elena ne sait pas si elle restera en Bosnie-Herzégovine. Elle aimerait continuer à vivre auprès de sa femme et de son fils. Mais celle-ci envisage le divorce. Deux de ses connaissances sur Facebook lui ont suggéré de faire une demande d’asile en Suède si cela devenait trop dangereux pour elle de vivre à Sarajevo.